Saint-Étienne
Au spectacle de l’église des Minimes…
Saint-Étienne est la troisième ville du Massif central à bénéficier d’une salle de spectacles avant les années 1770 après Clermont-Ferrand et Limoges. C’est très exactement en 1765 qu’un théâtre de 200 places est aménagé à l’intérieur d’un tout petit immeuble, place Chavanelle. Il accueille des artistes pendant près de trente ans tandis qu’un perruquier, M. Blanc, essaie lui aussi d’attirer des comédiens de passage rue des Martyrs à la veille de la Révolution française. De bien meilleures conditions sont offertes aux troupes à partir de fin 1797 (frimaire an VI). Promoteur immobilier et amateurs de spectacles, Kloquemann achète cette année-ci l’église des Minimes et l’aménage à ses frais en théâtre. Flanqué d’appartements dans ses chapelles adjacentes, l’édifice devient le principal lieu de spectacles de la ville pour toute une décennie !
Le Théâtre du Pré-de-la-Foire
Sous l’Empire, la ville se dote d’un nouveau théâtre grâce à l’investisseur Réocreux. Sur le papier depuis 1808, la salle flambant neuve, élégante et commode, accueille son premier spectacle le 4 mars 1810. Le bien nommé Théâtre du Pré-de-la-Foire ouvre ses portes chaque saison jusqu’en 1853. Excentrée au sein de son arrondissement théâtral de rattachement, la ville obtient le droit de jouir de son propre arrondissement théâtral sédentaire au milieu des années 1830. Il faut dire que la municipalité essaie de tenir malgré tout un rôle actif dans la vie théâtrale locale : ainsi paie-t-elle souvent le loyer de la salle aux artistes afin de s’assurer de leur présence régulière à l’affiche ! L’activité va d’ailleurs bon train et des travaux sont régulièrement entrepris pour faire face à une demande croissante, la population de la ville étant multipliée par cinq entre le début et le milieu du XIXe siècle ! Ainsi la jauge augmente jusqu’à 1100 places en 1852, poussant le théâtre au maximum de ses capacités matérielles.
Le public stéphanois est exigeant, qu’on se le dise !
« À Saint-Etienne, la partie de la population qui se préoccupe le plus habituellement du théâtre paraît ne pas vouloir accepter un autre genre que celui de l’opéra ; mais cette partie de la population est relativement peu nombreuse et généralement fort occupée par les travaux de l’industrie et du commerce, ce qui ne lui permet guère de fréquenter assidument le théâtre, en sorte qu’il n’y a pas à compter qu’elle puisse fournir un contingent bien considérable dans les réformes qu’exige l’entretien d’une troupe d’opéra ; d’un autre côté, cette portion de la population composée en grande partie de négociants ou commis visitant fréquemment les théâtres de Lyon ou de Paris se trouve fort exigeante et n’admet que difficilement la médiocrité dans les artistes ».
Le sous-préfet de Saint-Étienne au préfet de la Loire, 1854
La modernité du Théâtre Massenet.
Enfin ! En 1853, un théâtre municipal voit le jour, place des Ursules. Il est l’œuvre de l’architecte Jules Exbrayat, formé à l’École des Beaux-Arts de Lyon, qui signera également trois ans plus tard à Saint-Étienne les plans du Casino Lyrique, un café chantant. Dans les tuyaux depuis 1835, après un don de 70 000 francs de Jovin-Bouchard, entrepreneur de la manufacture d’armes locale, le projet est lancé en 1851 et son coût fixé à 250 000 francs. Le théâtre se dresse bientôt sur une plateforme entièrement circulatoire accessible depuis une volée de cinq marches. Sa façade présente deux séries de cinq baies superposées sur deux niveaux, celles du second étant coiffées de guirlandes et de médaillons décoratifs. Sa jauge est d’emblée remarquable avec 1800 places ! Sécurité et confort obligent, sa capacité sera progressivement ramenée à 1365 places tout au long de son exploitation. Rebaptisé « Théâtre Massenet » en 1913, l’édifice est détruit par un incendie en 1928 et son activité immédiatement transférée à l’Eden Théâtre, le café-concert d’Eugène Bonnardel ouvert en 1882, rue Blanqui. Quarante ans plus tard, la Maison de la Culture et des Loisirs, ouvrira ses portes. Mais c’est une autre histoire !